30ème anniversaire de la Rémunération pour la Copie Privée : vers la fin d’un système ?

Article publié sur le blog Fame Factory le 23/10/2015

Créée en 1985, la Rémunération pour Copie Privée (RCP) fête ses 30 ans cette année. La mise en place de cette redevance avait pour but de venir en aide aux auteurs, artistes-interprètes et ayants droit. Elle devait compenser les pertes occasionnées par l’essor technologique facilitant la multiplication rapide de copies privées, échappant à tout contrôle. L’un des buts affiché était de pérenniser le financement de nouvelles créations artistiques par la redistribution de cette RCP.

A l’occasion de cette date anniversaire, l’heure est au bilan. La commission des Affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée Nationale a décidé de constituer une mission d’information dont le rapport a été remis en juillet dernier.

 

233,1 millions d’euros collecté en 2014 mais un système en crise

 

Premier constat attendu, le système de la RCP traverse une crise importante. Celle-ci est tout d’abord le fait d’une crise de gouvernance. La Commission pour la RCP ne s’est pas réunie depuis 2012. Composée des représentants des ayants droit, des fabricants et importateurs de supports et des consommateurs, l’ambiance y est délétère depuis les années 2000. Les barèmes actuels et l’assiette de la RCP sont au cœur des crispations. Il faut dire que les ayants-droits occupent la moitié des sièges du conseil (12 émissaires). Ils possèdent de fait un véritable pouvoir de blocage et la capacité d’imposer leur volonté au détriment des consommateurs et des fabricants de supports.

Répartition de la RCP
Répartition des sommes collectées au titre de la RCP en millions d’euros

Si le système se veut vertueux et que les sommes concernées sont colossales, il règne cependant une grande opacité sur son fonctionnement et sur les prises de décision. En effet, la RCP représente pas moins de 233,1 millions d’euros collectés en 2014. La France est le pays de l’Union européenne où la RCP est la plus élevée. En 2012, un Français a payé 2,65€ contre 95 centimes pour un européen (55 centimes en excluant la France).

 

25% des revenus pour 4 000 à 5 000 musiciens français

 

Source : Pierre Lescure, Mission « Acte II de l’exception culturelle », contribution aux politiques culturelles à l’ère numérique, mai 2013
Exemple de détermination d’un barème / Source : Pierre Lescure, Mission « Acte II de l’exception culturelle », mai 2013

L’essor d’Internet et les progrès des technologies numériques alimentent également cette crise. Les ayants droit considèrent à tort la RCP comme un moyen de contrer les pertes occasionnées par l’avènement d’Internet. Pourtant, la copie privée n’a jamais eu pour vocation à compenser la pratique du piratage des œuvres. La majeure partie des fonds collectés sont redistribués auprès des artistes et ayants droit. A titre d’exemple, pour 4 000 à 5 000 musiciens français, cette manne représenterait pas moins de 25% de leurs revenus.

La RCP permet également de soutenir plus de 5000 manifestations et initiatives culturelles partout en France, à relativiser au regard des sommes consacrées à cet effet. Ainsi, à peine 50 millions d’euros en moyenne par ans sont alloués pour le financement des événements sur plus de 200 millions d’euros récoltés.

 

Toujours plus de supports assujettis

 

La taxe est fixée selon les supports de copiage et de stockage (CD vierges, smartphones, disques durs externes, cartes mémoires…) et payée par les consommateurs. Sur les dix dernières années, les dispositifs assujettis à la taxe ont doublé sans que les barèmes ou l’assiette n’aient subit de réelle adaptation à ce marché en cours de mutation. On trouve ainsi aujourd’hui des aberrations comme la distinction entre les ordinateurs, non assujettis à la RCP, et les tablettes, qui le sont. De plus, l’exemple des boxes des fournisseurs d’accès à Internet montre également que la RCP peut avoir des conséquences sur les choix industriels des entreprises du secteur des télécommunications. Et la prochaine grosse évolution technologique, le « Cloud », promet de nouveaux débats. Elle commence déjà à susciter le débat avec l’évocation d’un assujettissement à la RCP d’une partie des pratiques de copies dans le « Cloud ».

Évolution des sources de collecte de la RCP / Source : Copie France
Évolution des sources de collecte de la RCP / Source : Copie France

 

14 propositions pour sortir de la crise

 

Afin de remettre le système d’aplomb, la commission a adressé 14 propositions dont la création d’une autorité administrative indépendante légère pour l’homologation des barèmes. Elle disposerait également d’un pouvoir de contrôle de l’utilisation des sommes consacrées aux actions artistiques et culturelles. Elle propose également de rééquilibrer la répartition des aides à l’action artistique et culturelle au profit de la formation des artistes et des auteurs. Elle veut clarifier le champ des actions artistiques et culturelles pouvant bénéficier des 25 % et mieux contrôler la manière dont les crédits sont utilisés car sous-consommés pour le moment. Enfin, pour gagner en transparence, elle propose de mettre en place une base de données regroupant l’ensemble des sommes versées au titre de l’action artistique et culturelle, consultable en ligne, gratuitement.

Reste à savoir si ces propositions seront suivies d’effets. Une chose est certaine en tous cas, la RCP doit se réinventer de toute urgence sous peine d’intensifier le piratage et de mécontenter toutes les parties prenantes de cet épineux dossier.

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