État des lieux de l’intelligence artificielle en une infographie

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La porte de Versailles accueillait les 23 et 24 octobre derniers l’édition parisienne du salon de l’innovation en électronique, mesure, vision et optique (ENOVA). Après des arrêts à Lyon et Toulouse, les acteurs  français de la recherche et de l’industrie se réunissaient pendant deux jours pour présenter les dernières innovations et avancées technologiques. Quelques 260 exposants présentaient les résultats de leurs travaux dans le domaine de l’impression 3D, de la fabrication de composants innovants comme les circuits imprimés, d’outils d’enregistrement de données, de modélisation 3D ou encore des enceintes climatiques.

Le salon ENOVA proposait également 30 conférences sur des thèmes liés à l’innovation. La Deep Tech, l’IoT et les objets connectés étaient sur toutes les lèvres. Les questions relatives à l’intelligence artificielle bénéficiaient d’une mise en avant plus poussée avec, notamment,  l’organisation d’une après-midi dédiée au sujet (voir le tableau de présentation ci-dessous). Dans une ère où l’introduction de cette technologie dans notre quotidien questionne, prenons le temps d’une pause pour faire le tour de la question.

 

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L’intelligence artificielle, cette enfant de 4 ans

Avant toutes choses, il est nécessaire de s’entendre sur la définition de ce qu’est l’IA. Pour Bernard Monnier, notre monsieur loyal d’une journée, il s’agit de l’ensemble des théories, objets ou programmes visant à imiter les capacités cognitives de l’être humain.

L’ensemble des intervenants s’accordent à dire que nous n’en sommes aujourd’hui qu’aux balbutiements de cette technologie. En comparaison de l’évolution d’un être humain, l’IA serait un enfant de 4 ans. Si cette dernière est apparue dès le milieu des années 1950, il aura fallu attendre le début des années 1980 pour qu’elle commence à prendre son essor. La reproduction des algorithmes cérébraux humains nécessite une puissance de calcul, de stockage et des données dans un volume conséquent. Les progrès de l’IA de ces dernières années sont à mettre au crédit d’une profonde évolution des technologies. Quand dans les années 80 la recherche se faisait sur des capacités en kilo octets, nous parlons aujourd’hui de zeta octets.

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Nous pouvons distinguer deux grandes catégories : l’IA faible et l’IA forte. Le concept d’IA faible – ou Artificial Narrow Intelligence (ANI) – repose sur deux principaux domaines d’expérimentation. Il y a tout d’abord le Machine Learning, soit l’apprentissage automatique ou apprentissage statistique. Il s’agit d’utiliser une multitude de données et d’algorithmes pour nourrir la machine afin qu’elle puisse reproduire ou prédire des comportements en se basant sur ces données. Le second levier tourne autour de l’idée du Deep Learning ou « apprentissage profond ».  Le principe consiste à imiter les processus d’initiation et de mémorisation du cerveau humain au moyen d’un réseau de neurones artificiels multicouches. Cette IA, nous la retrouvons dans notre vie de tous les jours en utilisant les services de Google ou Amazon, en discutant avec des chatbots, en ayant recours à des traductions automatiques ou des prévisions financières.

Le concept d’IA forte – ou Artificial General Intelligence (AGI)- n’a pas encore été atteint puisqu’elle impliquerait que l’ordinateur soit en capacité d’apprendre en se basant sur ses propres expériences dans domaines variés, comme un être humain. Si l’IA sera donc dans un futur proche en mesure d’égaler l’homme, elle pourrait même le surpasser en devenant une Superintelligence artificielle (ASI).

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Autant de chabots que d’humains à l’horizon 2020

L’IA s’invite un peu plus chaque jour dans notre quotidien et le monde de l’entreprise. Pour Stéphane Roder, l’arrivée de l’IA dans les entreprises aura l’effet d’un tsunami. Elle est appelée à prendre en charge la somme des tâches répétitives et permettre aux employés un meilleur épanouissement dans l’entreprise. Ces changements vont entrainer la destruction d’un certain nombre d’emplois mais, toujours selon Stéphane Roder, généreront également la création de nouveaux emplois liés à la mise en place de ces systèmes, principalement dans le cadre de réinternalisation au sein des entreprises. A titre d’exemple, la société L’Oréal employait 50 personnes pour vérifier manuellement l’ensemble des bulletins de paies. Aujourd’hui, avec l’introduction de l’IA, l’ordinateur gère cette tâche de manière autonome tout en permettant au personnel de se concentrer sur des attributions moins chronophages et génératrices d’une meilleure estime de soi en entreprise. La généralisation de l’utilisation de l’IA est en marche au point qu’en 2020, on comptera autant de chatbot que d’êtres humains. Le cabinet Forrester estimait dans une étude de 2016 que l’IA serait à l’origine de la destruction de 16% des emplois à l’horizon 2030, mais ramené à 7% en tenant compte des emplois créés liés à la mise en place et à la maintenance de cette nouvelle technologie.

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Les transformations sociétales induites par l’incursion de l’IA dans nos vies apportent également un profond questionnement d’un point de vue juridique. En effet, si nous considérons les objets doués d’intelligence comme différents des autres, cela présuppose-t-il une adaptation du droit existant ? Comment démontrer la défectuosité d’un algorithme et à qui en attribuer la responsabilité ?Compte tenu de la législation actuelle, le créateur de l’algorithme endosserait la responsabilité. A moins que ce ne soit la société utilisatrice de cet algorithme ? Si la machine devient autonome, il paraitrait logique que celle-ci soit juridiquement responsable. Or, aujourd’hui, le droit ne le permet pas. Ces questions touchent à différents aspects du droit ce qui tend à complexifier la situation. Le droit d’auteur en est une des expressions. La création d’œuvre d’art par une IA ne peut être  protégée par le droit d’auteur comme l’IA n’a pas d’existence d’un point de vue législatif. Faudra-t-il donc adapter le droit et créer une personnalité juridique spécifique aux machines douées d’intelligence ? Le débat est ouvert. Quelle que soit la solution retenue, son dénouement passera par un consensus national et, bien plus important et compliqué à mettre en œuvre, par un consensus au niveau européen.

 

Faut-il avoir peur de l’intelligence artificielle ?

Les questions relatives à l’IA sont nombreuses et ne manquent pas de déchaîner les passions et ne laissent pas indifférents. Les films d’anticipation et les différents ouvrages projettent dans l’inconscient collectif l’image d’une technologie semblable à l’homme et, parfois, prenant le dessus sur son créateur. La récente expérience du robot Sophia, une tête humaine en capacité de tenir une conversation nourrie avec un humain, a prouvé qu’un trop haut degré d’anthropomorphisme générait peur et défiance auprès du plus grand nombre. Pourtant, les différents intervenants de cette table ronde étaient unanimes : il ne faut pas avoir peur de l’IA en l’état actuel de la technologie. Comme l’avançait Bernard Monnier dans son propos liminaire, qui, aujourd’hui, a peur d’un enfant de 4 ans ? Cependant, comme pour tout enfant, il faut l’éduquer, lui apprendre le respect de l’être humain et de la nature si l’Homme ne veut pas voir sa création se retourner contre lui.

De son côté, le docteur Guy Vallancien insistait sur le fait que l’IA n’est qu’un mode de calcul fonctionnant par algorithmes non ambigus contrairement au cerveau humain. Cette machine complexe dans notre tête n’est pas un ordinateur. Les émotions tiennent une place importante dans son fonctionnement. C’est précisément sur cet aspect que l’IA atteint ses limites et ne sera peut-être jamais en mesure de rattraper son créateur. Comme le rappelait Judith Nicogossian, l’ordinateur ne fait aucun effort pour exister ou lutter pour son évolution, une différence fondamentale avec l’homme.

 

 

Au sortir de cette conférence il apparaît que l’IA est bel et bien là et qu’il va falloir s’habituer à ce qu’elle prenne une place de plus en plus prédominante dans notre vie quotidienne. Qu’elle soit perçue comme destructrice ou facilitatrice de nos activités, rien ne semble plus pouvoir empêcher son inexorable développement. En attendant sa crise d’adolescence prévue dans vingt à trente ans, l’IA est aujourd’hui un enfant technologique que les chercheurs ambitionnent de mettre au service de l’homme et non l’inverse.L’évolution de l’humanité dépendra de la capacité du plus grand nombre à dépasser ses peurs et ses craintes pour travailler conjointement avec l’IA dans la perspective de bâtir un monde meilleur.

 

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